Bastia Journal : Le 9 février 1934.
A TRAVERS LES REGIONS SINISTREES.
On ne se fait difficilement à l'idée qu'offre cette immense région de la Castagniccia disparaissant entièrement sous une épaisse couche de neige qui sur certains points atteints jusqu'à quatre mètres de hauteur.
C'est un silence impressionnant qui règne partout. On parcourt des kilomètres de sentiers sans apercevoir nulle trace de vie humaine. On dirait qu'un véritable séisme a enseveli à jamais l'une des plus belles contrées de notre terre de Corse!.
Puis subitement au détour d'un chemin, c'est un clocher qui apparaît et l'on devine alors plutôt que l'on n'aperçoit le village enseveli. On s'approche et l'on constate alors que la neige recouvre presque entièrement les maisons. Des habitants apparaissent. Ils sont encore sous le coup des heures tragiques qu'ils viennent de vivre. Le silence de la mort a plané sur eux et puis voici que tout d'un coup des visages amis surgissent.....
L'espoir renaît, les physionomies se déride. Des femmes, des enfants accourent à travers la neige. Ce sont des paroles de reconnaissance qu'ils prononcent.... Le paysan Corse n'aime pas manifester sa joie bruyamment mais sur bien des visages des larmes coulent...
Puis ce reprenant immédiatement, c'est la vieille hospitalité corse qui réapparaît. Alors que l'on est privé de tout on pense à offrire aux visiteurs le verre de vin traditionnel, la tasse de café et c'est dans un sentiment de véritable fraternité.
SITUATION ANGOISANTE A ORTIPORIO.
Il faut avoir tenté l'ascension d'Ortiporio pour comprendre les difficultés qu'ont eu les premiers sauveteurs à atteindre le village tragique.
Hier encore, il ne fallait pas moins de quatre heures dès une marche pénible sur la piste à peine perceptible tracée à grande peine par les soldats du 173e avant d'arriver aux premières maisons.
Et le spectacle de désolation qui s'offrait alors aux yeux faisait se serrer le coeur des plus endurcis. Six maisons ont été englouties si bien que l'on chemine au niveau des toits disparut.
De ce qui fut la route, les sentiers aucune trace, et un soleil étincelant dans un ciel cruellement bleu éclaire toutes ces misères. De pauvres meubles brisés gisent sur la neige salie par le piétinement des sauveteurs. Sur l'emplacement des maisons disparues des équipes de militaires et de volontaires s'emploient à un travail de fourmis pour enlever des poignées de cette terre de ces décombres qui représentent des milliers de mètres cubes.
Et devant la misérable insuffisance des efforts des hommes, les esprits ne peut chasser, cette pensée affolante:
Mardi encore deux fillettes étaient retirées des décombres, l'une à survécu et on espère la sauvée définitivement, l'autre plus jeune et plus faible na pu être ranimée mais le docteur Muselli et le docteur Leschi affirment que son coeur battait encore.
Si l'on considère également que dans la journée de mardi, des poules, un chat, un chevreau ont été dégagé vivant, on se demande, on peut se demander s'il n'y a pas sous cinq mètres de neige et de boue, des hommes, des femmes, des enfants qui agonisent lentement.
Le général Fournier est venu hier dire que la recherche des corps devait être menée à bonne fin.
De grâce, pour la tranquillité de nos consciences, pour la sauvegarde de nos raisons, qu'on aille encore plus vite, qu'on y mette tous les soldats, tous les volontaires, tous l'outillage, mais que tous les disparus soient découverts.
A TRAVERS LES REGIONS SINISTREES.
A ORTIPORIO.
Malgré la neige persistante les travaux de déblaiement continuent sans arrêt. À l'heure actuelle 13 cadavres ont été retirés des décombres. Après avoir été identifiés, ils ont été provisoirement inhumés dans une grande fosse creusée dans la neige à proximité du lieux du sinistre.
Il y a actuellement à Ortiporio 140 hommes de troupe et une équipe d'une dizaine d'ouvriers italiens qui sous la direction du capitaine Chiarelli, travaillent avec un dévouement admirable et font des efforts surhumains pour parvenir à dégager les malheureuses victimes.
Cet effectif est apparu comme largement suffisant pour mener à bien la mission particulièrement délicate qui lui a été confiée.
Dans l'après-midi d'hier M. Beaugrand, sous-préfet de Bastia a tenu à se rendre lui-même jusqu'à Barchetta pour se rendre compte sur place des dispositions prises pour assurer le ravitaillement des populations sinistrées.
M. Séguin, préfet de la Corse, est attendu à Bastia dans la journée de demain.
DANS LA REGION D'ALESANI.
Un détachement de 40 hommes du 173e, sous les ordres du lieutenant Girardet, est arrivé à Valle d'Alesani et a parcouru les principales localités de la région. Les nouvelles transmises à Bastia dans la matinée d'hier sont aussi rassurantes que possible. On signale cependant trois maisons écroulées à Ortale et deux à Novale; mais en dehors de sérieux dégâts matériels il ne semble pas que l'on est à déplorer d'accidents de personnes dans cette région.
DANS LA VALLEE D'OREZZA.
L'équipe de jeunes scouts et de volontaires dont nous parlons d'autre part avait de son côté rapporté les meilleurs nouvelles de l'année ne sel'Alesani.
Ces courageux sauveteurs ont en effet atteint Carpineto après avoir parcouru 13 km en ligne droite à travers la neige. De Carpineto la colonne à détaché une équipe pour explorer le col d'Arcarota et les premiers villages d'Alesani.
C'est ainsi que ces jeunes gens ont réussi à se mettre en relation avec les habitants de Piobetta qui ont aussitôt rassuré la situation dans l'Alesani.
Un autre groupe sous la direction de M. Semidei, conseiller d'arrondissement, a quitté Carpineto a aube du sept pour explorer les villages de Brustico, Carchetto, Piedipartino et Pied'Orezza.
Ajoutons que M. Semidei et Medori Don Pierre avait déjà parcouru les communes de verdese et de Nocario.
Dans ces localités des dégâts matériels relativement importants mais par contre il y a aucune inquiétude à avoir au sujet du ravitaillement.
Les jeunes scouts et les volontaires ont été dirigés par M. Olivieri, adjoint technique des ponts et chaussées et M. Jean Torre, capitaine de réserve, qui mérite les plus vife éloges.
LA ROUTE DE BASTIA A CORTE.
Si la neige a disparu sur la plus grande partie de la route de Bastia A Corté il n'en est pas de même de l'éboulement qui s'est produit entre Barchetta et Pontenovo. On se trouve en présence d'un véritable glissement de terrain sur prêts de 100 mètres de longueur qui exige un travail de déblaiement continuel.
On espère toutefois que la circulation pourra être rétablie à bref délai.
LES SECOURS.
M. le docteur Carloti, conseiller général, a télégraphié de Nice pour proposer à M. le sous-préfet de Bastia de mettre à sa disposition une équipe de skieurs alpins.
Cette offre ayant été acceptée ces alpinistes éprouvés et sont attendus à Bastia par le remorqueur Goliath. Ils recevront comme mission d'aller explorer les hautes régions du centre de l'île sur le sort desquels on n'a encore des renseignements assez vagues.
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le général commandant supérieur de la défense de la Corse, accompagné du capitaine Schumacher de son état-major, s'est rendu de nouveau en a Ortiporio les 7 février, pour se rendre compte de l'avancée des travaux exécutés par une centaine d'hommes du 173e R.I.A. Tant pour déblayer les décombres et rechercher les corps des malheureuses victimes, avec le concours des habitants, pour débloquer la région et permettent à la colonne mulletière de ravitaillement du deuxième R.A.C. de porter à la population civile et à la troupe les vivres fournis par les autorités préfectorales et militaires.
Depuis le 5 février au matin, la troupe ne cesse de fournir un effort considérable et seuls peuvent s'en rendre compte ce que si l'on vue à l'oeuvre. Le général en a recueilli sur place de nombreux témoignages et n'a pas manqué d'exprimer sa vive satisfaction au détachement du capitaine Chiarelli et du lieutenant Colonna qui malgré leur fatigue, tiennent à honneur de terminer l'oeuvre entreprise.
D'accord avec M. Altieri, l'ingénieur si dévoué de Bastia, qui était venu lui-même sur place pour fixer le chiffre des ouvriers spécialistes en fer et en bois envoyé de Bastia, le général a confié au capitaine Chiarelli le commandement des équipes civiles et militaires afin'achever dans le plus bref délai possible les travaux de déblaiement et lui a envoyé hier matin un renfort de 40 hommes encadrés de bataillon de Bastia.
Les effectifs actuellement utilisés pour Ortiporio se montent à quatre officiers et 162 hommes et gradés.
Ce chiffre auquel s'ajoute les spécialistes de M. Altieri, les 12 volontaires italiens et la main-d'oeuvre locale ne peut guère être dépassée, en raison des difficultés de ravitaillement, de la précarité du cantonnement et de la nécessité de fournir aux infatigables travailleurs le minimum de retour dans des conditions convenables.
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Afin de donner une idée exacte de l'effort fourni jusqu'à présent par la troupe, à la demande de l'autorité préfectorale, pour porter secours aux populations sinistrées où bloquées par les neiges, voici quelques renseignements:.
La garnison de Bastia a envoyé depuis le 3 février 10 détachements successifs, dans les régions d'Olmo, Francardo, (voies ferrées) Ortiporio, Orezza, Bisinchi et Valle d'Alesani.
Dans la composition de ses détachements sont entre les 13 officiers et 420 hommes.
Sur ces effectifs, cinq officiers et 250 hommes sont encore travaillent sont encore au travail, dont quatre officiers et 162 hommes et gradés(travailleur, ravitaillement, liaisons) pour Ortiporio.
La garnison d'Ajaccio à détaché, depuis le 5 février, cinq officiers et 180 hommes pour les régions de Bocognano et Sainte Marie Siccnée Guitera.
La garnison de Corte a fourni, depuis le 2 février, deux officiers et 220 hommes et gradés pour déblayer les rues de la ville, porter secours des isolés et rétablir la circulation ferroviaire entre Corte et Francardo.
Enfin la garnison de Calvi vient d'envoyer un détachement de un officier et 44 hommes et gradés dans la région d'Olmi Cappella.
Au total: 21 officiers et plus de 850 hommes et gradés utilisés dans des opérations de secours depuis le 2 février.
SAINT FLORENT.
Bravo et merci aux populations de Saint Florent, se rendirent mardi 6 février en foule au col de Teghime, couverts de neige depuis le 1er février.
Après un travail des plus opiniâtres qui dura quatre heures, la route fut déblayée sur une longueur de 5 km, en certains endroits la neige atteignait un mètre de hauteur.
Merci aussi à M. Feydel Robert, Petrito Maestracci, Longinotti, Pinelli et tant d'autres qui ne manquèrent pas en l'occurrence d'apporter à ces généreux travailleurs du meilleur vin de leur cru.
VALLECALLE.
Une tempête épouvantable de neige et de vent à sévi pendant les trois premiers jours du mois courant dans la région du Nebio.
La neige a atteint 60 cm. À certains endroits elles dépassent un mètre 60.
On signale de toutes parts des pertes très élevées dans les troupeaux.
Plusieurs pylônes ont été arrachés et beaucoup d'arbres qui n'ont pu résister à un assaut semblable ont dû fléchir sous le poids de la neige.
De nombreuses branches cassées gisent par terre. Pendant plusieurs jours nous avons été privés de lumière, de toute relation postale et de tout ravitaillement.
MONTICELLO.
Une véritable tempête de neige s'est brusquement abattue sur notre village. En un clin d'oeil tout a été recouvert d'un ample manteau immaculé que, de ci de là, trouaient les tuyaux de cheminées et la pointe des arbres.
Pendant trois jours les communications furent interrompues et la couche qui recouvrait le sol atteignait par endroits 75 cm.
MONSEIGNEUR RODIE A BARCHETTA.
Mgr Rodié, évêque d'Ajaccio, accompagné de monsieur le vicaire général, après avoir effectué un long et pénible trajet par la côte occidentale de la Corse est arrivé vers la fin de l'après-midi à Barchetta. S.G comptait se rendre ce soir même sur les lieux de la catastrophe Ortiporio, mais en raison de l'heure tardive ce n'est que demain matin que Mgr Rodié pourra aller saluer les victimes et apporter aux familles si cruellement éprouvées l'expression de sa douloureuse sympathie.
La Suite du Bastia Journal, du 10 Février 1934.
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