Aimablement prêtées par Charly et Victor Marcelli quelques photos anciennes de figures du village peut être inconnues pour les jeunes générations mais qui rappelleront bien des souvenirs à beaucoup d’entre nous. Si certains se reconnaissent sur les photos, qu’ils nous le signalent. Nous complèterons les légendes.
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Récolte des châtaignes à Nucariu
Les potagers de nocario
Au coeur de nos villages de Castagniccia, lorsque les yeux se portent alentour, sous le maquis, chacun distingue les étages de culture soutenus par des murets, patiemment édifiés pierre à pierre par les anciens. La végétation, le passage des animaux divaguants, ont démoli une bonne part de ces murailles qui avaient aidé les ancêtres à redresser les pentes pour rendre la terre apte à la culture, et permettre à la population de croître, au point d’accueillir au XIXe siècle, dans l’étage entre 600 et 700m, près de 150 habitants au km2 (Recensement de l’année 1872).
C’est toujours avec une certaine nostalgie qu’en scrutant les flancs des collines on les imagine riches de champs, de vergers, de vignes et de potagers, d’autant que dans chaque famille des grands-parents ont raconté leur enfance, et l’abondance sans doute exaltée par le regard de la jeunesse, mais difficile à mettre en doute. Irriguée par les nombreux torrents et sources, rendue plus docile par le travail des hommes, la terre offrait la vie.
Ceux des habitants qui peuvent demeurer en permanence ou pour de longs séjours dans les villages, sont tentés par ce rêve ancien, encouragés par la méfiance actuelle à l’égard de l’industrialisation de l’agriculture et de l’alimentation, le souci d’une nourriture saine, fraîche et goûteuse, issue de nos mains et non de lointaines usines.
Quelques habitants de Nocario tentent de faire revivre ces potagers de leur enfance, plus pour le plaisir d’effleurer un plant de tomate et en exhaler le vert parfum que vraiment pour se nourrir, mais aussi pour accomplir un geste essentiel, celui de se pencher vers le sol ou s’élabore silencieusement la sève primordiale dont dépend toute existence humaine.
En hommage à ces poètes, nous avons voulu visiter leurs jardins, petits ou grands, modestes ou plus ambitieux, soignés ou plus négligés, et vous en offrir quelques images, bien figées et imparfaites en regard des changements qu’offre leur contemplation en lumières, couleurs formes et parfums, espérant ainsi susciter d’autres envies de légumes, de fruits et de fleurs.
A suivre …
Vincent, un chercheur à Nocario
il y a pres de 40 ans la coupe de france etait a saint michel
Souvenirs!!! En Juin 1981, le SCB -appelé encore SECB à l’époque- remportait pour la première fois de son histoire et de celle de la Corse la prestigieuse Coupe de France. Paul Marchioni, capitaine de l’équipe, recevait des mains du président François Mitterand le magnifique trophée. L’été qui suivit, la coupe entreprit un tour de Corse, chaque village voulant recevoir l’évènement. Nocario ne fut pas en reste. Paul Battesti qui n’était pas encore maire mais 1er adjoint, récupéra la coupe à Bastia et à l’occasion d’une des fêtes organisée dans l’été, le trophée fut présenté au nombreux public enthousiaste. A noter que le SECB prêtait la coupe mais les communes devaient payer ce prêt. Il en coutait 1000francs de l époque payés par le comité des fêtes.
Sur ce cliché aimablement prêté par Francine et Charly Marcelli, on peut reconnaître certains habitants du village: Evelyne Battesti, Victor Marcelli, Francine et Charly Marcelli, Paul Battesti et Joseph Guerrini ainsi que Denis Susini et Achille Zannettini.
L’épicerie de Françoise
Il est un autre commerce de village dont se souviennent ceux de la génération devenus les grands-parents d’aujourd’hui, une épicerie discrète à proximité de la placette de la chapelle Sainte Barbe à Nocario, dont Françoise Marcelli fut la figure tutélaire depuis la deuxième décennie du siècle dernier jusqu’à sans doute 1975.
C’est Victor Marcelli, son frère Charly, et leur sœur Josée, ses neveux et nièce, qui rassemblent leurs souvenirs pour évoquer ce passé que beaucoup d’habitants de Nocario ont vécu et partagé.
Un commerce fondé en 1891
Si Françoise est la personnalité dominante de la dernière période d’activité de ce commerce de village, Victor rappelle que le
fondateur en fut Ghjuvan-Orsu Marcelli (Jean-Ours), dans la dernière décennie du XIXe siècle, ce qui est attesté par un livre de comptes daté de 1891, conservé précieusement par la famille. Jean-Ours était boucher de son état, mais dès 1897, les écritures révèlent que le commerce se diversifie et propose à la vente d’autres denrées alimentaires. Cette première épicerie était située en haut du village « nantu a riba », près de la maison actuelle de François-Xavier Amoni et ce n’est que vers 1920 que s’ouvrit l’épicerie du bas du hameau, demeure aujourd’hui de Josée.
Ce lieu fut d’abord une école communale, transférée plus tard successivement en deux endroits différents. (Nous consacrerons ultérieurement un article à ces écoles communales qu’ont connues bien des nocariais.)
Précocité au travail
L’école, Françoise, benjamine de la fratrie de cinq enfants, fruit de l’union de Jean-Ours et de Rose- Marie Bianchi, ne la fréquenta que par courtes intermittences. Rose-Marie décéda en 1903, quand Françoise n’avait que trois ans, et bientôt Jean-Ours eut recours à sa force de travail pour assurer le fonctionnement de la petite entreprise. Il venait souvent à la porte de l’école réclamer la présence de sa fille au travail : « Ci vuole chi Françoise colli» (il faut que Françoise monte). C’est ce qui provoque l’admiration envers Françoise, qui avec une fréquentation sporadique de l’école et quelques cours du soir donnés par les institutrices logées sur place, sut, durant tout le temps de son activité, écrire les achats sur le journal des ventes, et compter avec virtuosité (et en langue corse) le crédit de chaque client. Comme à Solane, ceux-ci ne réglaient qu’en fin de mois.
On vendait de tout à l’épicerie, en dehors des denrées périssables et l’on fournissait à la clientèle du fromage de chèvre, produit de l’élevage auquel Victor lui-même participait, de la charcuterie. Sept
tonnes de châtaignes séchaient sur la grata (la claie) au-dessus du fugone, conservée par Victor en souvenir de ces années à la fois rudes et tendres, où l’on devait se serrer dans un coin de la salle pour prendre les repas à l’abri de la chute hasardeuse des vers, tombés des châtaignes destinées essentiellement à la nourriture des porcs, qui fournissaient la viande pour la charcuterie.
Les marques de la guerre
Lorsque Françoise commença à faire le pain, elle était adolescente. Le XXe siécle inaugurait une guerre mondiale, qui ne laissa pratiquement aucun village de France indemne du sacrifice de ses jeunes gens. Sur les cinq enfants de Jean-Ours Marcelli, deux périrent pour la patrie, Charles-Mathieu, sur un champ de bataille inconnu, et Joseph, dans le naufrage du « Balkans » torpillé par un sous-marin allemand, le 16 août 1918, il y a maintenant cent ans. Victor (oncle du Victor qui nous parle) décéda en 1952. Seul César eut une belle et nombreuse descendance de sept enfants que d’aucuns connaissent aujourd’hui, comme personnalités présentes de Nocario : Rosine, Jean (qui nous quitta en 2012), Marie-Ange, connue par le surnom de Mi-Ange, Jacky, prêtre, décédé en 1981, Josée, Charly et Victor, qui rappelle aujourd’hui la mémoire de l’épicerie de Françoise.
Françoise sacrifia aussi d’une certaine manière une partie de sa vie. Comme la Céline de la chanson de Hugues Aufray, elle ne se maria jamais, malgré les demandes, occupée par l’intense travail du commerce indispensable à la subsistance de la famille.
Pas de temps pour flâner
Et quel travail !
Jusqu’en 1961, lorsqu’un accident vasculaire limita son activité,
Françoise élabora et cuisit, tous les jours en période estivale, une fournée de 50 pains, après avoir fait la veille le levain, puis s’être levée à trois heures du matin, avoir pétri la pâte à la main, chauffé le four et enfourné les pains. Elle confectionnait elle-même les fagots de bruyère, les ramenait avec l’âne de César, et ne ménageait pas son neveu Charly qu’elle réveillait à 3h du matin, espérant faire de lui le futur boulanger. (Victor, lui, durant la période de ramassage des châtaignes, avait droit à un réveil plus doux, grâce à une tasse de café passée sous son nez.) Le pain sortait du four à 12h, et la première fougasse était le privilège du facteur Zucarelli. De nombreux clients attendaient le bon pain chaud, et d’autres villageois profitaient de la chaleur résiduelle pour cuire poulets et rôtis. Le mercredi, les Cars Marcelli emportaient une livraison de pain pour le bar Carnot de Bastia.
Lorsqu’arrivait le temps des châtaignes, Françoise mobilisait ses troupes pour une intense activité qu’elle dirigeait avec passion, une passion partagée avec son neveu Jean. Les enfants ne pouvaient plus aller à l’école, car il fallait débroussailler sous les arbres et ramasser les châtaignes malgré le froid, l’humidité et les bogues piquantes. On déjeunait sur place, mais Françoise ne prenait même pas le temps de manger. Jusqu’à l’âge de 80 ans, elle continua à ramasser ses deux tonnes de châtaignes.
Outre le pain et les châtaignes, elle cultivait le jardin potager, et confectionnait la charcuterie. La tenue de la maison, le ménage, les repas, la famille, c’était la tâche quotidienne d’Anne-Lucie, la maman de Victor et de tous les enfants, ce qui ne la dispensait pas de la corvée familiale du ramassage des châtaignes. La vente à l’épicerie était un service permanent. Dès qu’un client se présentait, celui ou celle disponible descendait le servir.
Pour ne pas oublier
Si n’he andatu maestru Raclot
Si N’HÉ ANDATU maestru Raclot ,
Ti ringraziu d’avemi
datu ÛN mestieru é pudde Campà INDE u mo paese .
É sopratuttu tutte STE stonde di spartera, pendante 25 anni.
RIP
Photos anciennes : baptême en 1951 des enfants de la famille Angeli/Laurens
Deux photos légendées confiées par Raymond Henrard,où beaucoup se reconnaîtrons ou reconnaîtrons de chers disparus. Les images sont figées, mais nos esprits leur redonnent leur chair.
Debout de gauche à droite : le prêtre célébrant, Jeannette Battesti, épouse de Jean-Thomas Battesti, Jean-Baptiste Angeli, Jacqueline Laurens, Philippa Marcelli, Jeannette Angeli, Michel Laurens, Hyacinthe Angeli, Angèle Zucherelli, Antoinette Henrard, Jacques Angeli.
Au premier rang : Evelyne Battesti, Jean-Thomas Battesti (père de Nanou Battesti)
De gauche à droite : Julien Battesti dans les bras de son oncle Jean-Thomas, Jules Battesti, Raoul Laurens (père de Jacqueline, Antoinette, Michel, Evelyne, Madeleine n’est pas encore née), Lulu Battesti, Angeli Charles-Joseph (père et grand-père des Angeli/Laurens), Hyacinthe et sa femme Jeannette, Michel dans les bras de Jean-Baptiste, Hyacinthe Battesti.
La toile de Marinette
De nombreuses familles de notre village recèlent dans leurs tiroirs ou leurs greniers de véritables trésors. Il ne s’agit ni d’or ni d’argent, ni de pierres rares, mais d’objets témoignant du patient travail des ancêtres, dont la valeur n’est pas commerciale, mais digne d’un grand respect, tant ces « objets inanimés » nous renseignent sur ce que pouvaient être les vies des anciens habitants de notre village.
Lorsque Marinette Carbuccia, 97 ans et toujours bon pied bon œil, fait partager la pulenda à ses convives, on renverse la bouillie brûlante de farine de châtaignes sur une toile de lin blanc. Selon Marinette, ce linge a été tissé avant sa naissance, par sa grand-tante Irène, la soeur de son grand père.
Plus respectable encore, les fibres qui composent ce linge viennent du lin planté, récolté, roui et teillé à Nocario, à une époque où nombre de villages de Castagniccia vivaient presque en autarcie.
L’évocation de l’histoire de cette modeste pièce de tissu a réveillé dans le cœur de Marinette le souvenir de celle qui la tissa, Tante Irène, que Mme Carbuccia porte haut dans son affection et sa reconnaissance, car comme cela arrivait dans les familles, cette grand-tante n’eut « jamais le temps de se marier », bien qu’un prétendant l’ait attendue toute sa vie. C’était elle qui s’occupait de ses 6 neveux et nièces pour permettre à la famille d’assumer tous les travaux de subsistance. C’est d’ailleurs en honneur de cette femme remarquable que l’une des filles de Marinette porte son nom.
Le bassin où se faisait le rouissage est depuis longtemps comblé. Marie-Noëlle, nièce de Marinette, possède encore le rouet qui servait à filer les fibres de lin.
Avec ces quelques pièces de tissu, c’est tout ce qu’il reste de cette activité de tissage dont on admire aujourd’hui le savoir-faire villageois. Avoir sur cela un regard attentif et reconnaissant est bien le moindre remerciement qu’on peut exprimer aujourd’hui, où si l’on est dans de beaux draps, ce ne sont plus ceux fabriqués par les mains fortes, expertes et patientes de nos ancêtres.