Michel Paoli, chanteur du groupe de polyphonies corses « Tavagna » et par là chercheur de ressources inspirantes pour la culture corse, nous a communiqué aimablement un document relatant la visite pastorale de Monseigneur Desanti (7 décembre 1846 – 12 février 1916), évêque d’Ajaccio, dans le doyenné de Piedicroce, dont faisait partie à cette époque la paroisse de Nocario. Ce texte qui rapporte minutieusement toutes les étapes de cette visite, vous pouvez y accéder par le fichier PDF ci-dessous, toutefois, le rapport de la visite évoque tous les villages du doyenné, c’est pourquoi nous avons choisi pour vous en faciliter l’accès, de recopier intégralement le passage qui relate la visite de Nocario. Vous y trouverez l’évocation de la possible installation épiscopale de Pierre d’Aleria à Celle e Petricaggio en 596 et les supputations sur le lieu de sa résidence. Que cela apporte à notre affection pour notre village de petits ruisseaux pour nous abreuver. (Illustration : portrait de Mgr Desanti, évêque d’Ajaccio, aux Semaines Sociales de Versailles, le 8 août 1913)
Visite-pastorale-du-Doyenne-de-Piedicroce-par-Mgr.-Desanti-1913
« Acclamé par toute la population de Polveroso, Monseigneur remonte en voiture, passe au-dessus de Verdèse qui envoie jusqu’à lui les joyeux «Evviva» tandis que les cloches sonnent à toute volée ; bientôt nous tournons le Poggiale et en quelques minutes nous arrivons sur la place de la «Giudea» où s’élève la grande et belle église de Saint-Michel de Nocario qui est avec Piedicroce, Carcheto et Monacia l’un des quatre «Querini » de l’Orezza.
Ce nom de Giudea lui vient de ce qu’en 1802 on y joua devant plus de dix mille spectateurs le drame de la passion dont le texte transcrit en entier à cette même date par M. Jean-Charles Paoli nous a été remis par M. Achille Paoli qui l’a religieusement conservé. C’est un manuscrit de 120 pages où le récit évangélique fidèlement reproduit est mis à la portée de l’auditoire, vers d’un style simple mais correct. L’impression fut profonde et durable ; on cite encore à Nocario les noms de ceux qui ont tenu les premiers rôles.
La paroisse de Nocario comptait autrefois 12 hameaux : Les Rianacce qui avaient pour église Saint-Laurent, Poggiolo, La Ponticaccia, La Casanuova, où s’élevait l’ancienne église de Sainte Barbe, Fossato, Aqua-Fredula, Navacchi et Zuccarello ont disparu*. On nous apporte un superbe anneau de métal massif recouvert d’une belle patine verte, trouvé récemment par M. Marcelli François-Louis, près de la tour de Zuccarello.
La paroisse actuelle de Saint-Michel de Nocario se compose de trois hameaux ayant chacun une église propre et un patron spécial : Erbaggio, Saint-Martin, Celle-Petricaggio, Saint-Jean- Baptiste et Nocario, Sainte-Barbe.
En 1021, elle fut l’objet ainsi que Verdèse, Campana, Croce à la Santo ou Piedicroce* et Rapaggio, de la part de Hugues, marquis et seigneur de Corse, d’une donation en faveur du Père Simon abbé de Saint-Sauveur et Saint-Mamilien de Monte-Christo et recteur de l’abbaye de Sainte-Marie de Canovaria près de Pruno : « Possessioni di Nuvario*, della Capanna, di Rapaggio, della Vardese; Possessioni della Casanova, della Erbaja, della Croce à la Santo con case Casamenti e Casalini, orti, olivi e vigne castagneti, terre culte et inculte, etc. »
Vendredi 29 avril*. – Nocario. La confirmation a eu lieu à 9 heures ; les chants ont été particulièrement bien exécutés. Dans l’après-midi visite de l’église, tout est en ordre. Monseigneur aurait voulu visiter également Saint-Martin, Sainte-Barbe, mais Surtout Saint-Jean-Baptiste de Celle-Petricaggio (Petri-Casa)* où aurait résidé l’Evêque Pierre d’Aleria en 596, qui, par ordre de Saint-Grégoire le Grand, vint consacrer la basilique du San Petrone et évangéliser les païens qui habitaient in luco Nikeno*. Des fenêtres du presbytère de Nocario on n’a pas de peine à comprendre le choix de l’Evêque Pierre et l’autorisation accordée par le Pape. « Vous avez demandé, lui écrit Saint Grégoire, à avoir une
résidence épiscopale dans l’église qui n’est pas loin de la même montagne ; j’accède volontiers à votre demande, parce que plus vous serez rapproché, plus vous pourrez faire du bien aux âmes qui sont dans cet endroit, »
C’est là « l’église qui n’est pas loin de la montagne » bien qu’elle ne soit pas la plus rapprochée ; Saint André de Campana à gauche, Sainte Barbe de Nocario à droite, sont plus près de la cime il est vrai, mais à Celle, placé entre les deux, en droite ligne par rapport au sommet, au fond de cette première vallée de San Petrone, la température y est plus douce et le séjour plus agréable. La tradition locale, la chaire placée du côté de l’épitre dans l’église de Saint Jean-Baptiste de Celle, le nom même de Petricaggio (Petri-Casa) qu’a pris dans le petit hameau le groupe de maisons placé au- dessous de l’église, l’avantage de la situation ne permettent pas de douter que l’Evêque Pierre d’Aleria n’ait eu à Celle un Episcopium ou résidence épiscopale*. »
*Croce alla Santo est l’autre nom de Piedicroce
*Pour arriver à 9 (et faire 12 avec les hameaux actuels), il faut considérer peut-être que les Rianacce comptaient pour deux hameaux.
*Cette graphie de Nocario, « Nuvario » suggère que l’étymologie du toponyme « Nocario » pourrait être liée aux nuages fréquents qui entourent le sommet du San Pedrone, mais l’évolution en Nocario peut être liée à une autre interprétation.
*Soit la date est erronée, soit le rapporteur a mis ici la relation d’un événement antérieur.
* Petri Casa ou maison de l’Evêque Pierre. Est-ce une étymologie avérée?
*Expression empruntée pour dire que les habitants à évangéliser vivaient dans la forêt, un peu comme des sauvages. Nous sommes en 596.
* »Ne permettent pas de douter » toutefois, ce n’est qu’une hypothèse. Vous aurez remarqué le conditionnel « aurait résidé »
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